Spiritualité Chrétienne

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Notre Dame de Pontmain

Notre Dame de Pontmain

Apparition en 1871

Fête le 17 janvier


La Dame drapée d'étoiles


Un phénomène étrange avait frappé tous les habitants de cet humble village de Mayenne... Dans la nuit du 11 au 12 janvier, l'horizon s'était empourpré, comme sous l'effet d'un gigantesque incendie. Sur la traînée sanglante de l'aurore boréale, un vaste nuage diaphane aux franges d'or glissa lentement. Ses formes bizarres lui donnaient tantôt l'allure d'une nef voguant au creux des vagues, tantôt la silhouette d'une cathédrale gothique noyée dans la brume. « C'est un signe des temps », murmura César Barbedette à ses deux garçons, Eugène et Joseph, qui se tenaient, muets, à ses côtés.


Tristes temps, en effet... 1871

La France, au bord de l'abîme, ne parvenait plus à stopper les envahisseurs. Les Prussiens campaient aux portes de Laval, à cinquante-trois kilomètres de là. Trente-huit hommes de Pontmain, cueillis par la levée en masse, étaient partis à la guerre et, parmi eux, Auguste, le frère aîné des enfants Barbedette... Progressivement, l'aurore boréale s'éteignit et les humbles villageois regagnèrent leurs chaumières en silence, frappés par ce mystérieux météore dont ils n'osaient rien présager de bon. Comme ils se trompaient !


Le soir du 17 janvier 1871

Quelques jours passèrent et l'on arriva au soir du 17 janvier. Après la classe, Eugène et Joseph rentrèrent à la ferme familiale pour aider leur papa, bien surchargé depuis le départ de l'aîné. Car on vivait assez modestement chez les Barbedette, comme, du reste, dans le petit bourg de Pontmain. Les terres maigres conquises de haute lutte sur la forêt abondaient d'ajoncs. Broyées, les tiges de ces plantes constituaient un supplément de fourrage pour les chevaux. Eugène, 12 ans, maniait hardiment le lourd maillet de bois, auprès de son père, tandis que Joseph, 10 ans, s'occupait à déposer, dans l'auge de pierre, les bottes d'ajoncs. Il était environ 17 heures 30 mais, déjà, la nuit tombait. Soudain, la porte de la grange s'ouvrit, faisant vaciller la flamme de la chandelle de résine. Trois visages se tournèrent vers la visiteuse, Jeannette Détais. Cette vieille femme, bien connue de la famille Barbedette, remplissait à Pontmain les curieuses fonctions d'ensevelisseuse. Ce soir-là, percevant un rai de lumière sous la porte de la grange, elle s'était arrêtée pour bavarder un peu. Naturellement, la conversation porta sur la progression prussienne, les soldats de Pontmain, la misère de tous... Profitant de ce répit, Eugène abandonna son maillet et quitta la grange, histoire d'observer le temps.


Eugène crut rêver...

Il avait neigé depuis le matin mais, maintenant, le ciel totalement dégagé scintillait d'étoiles. Les toits encapuchonnés frissonnaient sous le froid piquant. L'enfant, machinalement, leva les yeux en face de lui vers la demeure voisine, habitée par Augustin Guidecoq, buraliste, et Adrien Boitin, sabotier. Alors, il crut rêver ! A sept ou huit mètres au-dessus de la maison et légèrement en arrière, une Dame d'une ravissante beauté le regardait en souriant. La céleste Visiteuse était drapée d'une ample robe bleu foncé, sans ceinture, qui tombait du cou jusque sur les pieds en formant quelques plis. Elle tenait les mains étendues et abaissées, dans l'attitude de l'Apparition de la Médaille miraculeuse. Aux pieds, elle portait des chaussons bleus ornés de rosettes d'or. Un voile noir, rejeté sur les épaules, couvrait le tiers du front, cachant entièrement les cheveux et les oreilles. Un diadème d'or agrémenté d'un liseré rouge surmontait le voile. Le visage de la Dame exprimait une ineffable tendresse. La robe était parsemée d'étoiles à cinq branches, d'étoiles à faire pâlir leurs sœurs du firmament. Penchée sur Eugène, la Dame souriait...


"Je vois une belle grande Dame !"


Combien de temps Eugène resta-t-il à contempler la Dame ? Dix bonnes minutes... Un quart d'heure, peut-être... L'extase vous plonge dans un tel ravissement que vous ne parvenez jamais à l'enserrer dans une mesure humaine... Jeannette cependant avait étanché sa soif de causette et elle passa le seuil de la grange. Eugène l'interrogea à brûle-pourpoint : « Jeannette, regardez donc au-dessus de la maison d'Augustin si vous ne voyez rien ! ». La bonne vieille scruta curieusement les ténèbres puis hocha la tête : " Ma foi non, mon pauvre Eugène, je ne vois absolument rien !" Le père Barbedette et Joseph, attirés par cet étrange dialogue, sortirent à leur tour et braquèrent leurs regards dans la direction indiquée. « Vois-tu rien, toi, Joseph ? Oh, oui ! répondit le cadet. Je vois une belle grande Dame ! ». Et il dépeignit la vision dans ses moindres détails. Le papa, quant à lui, interrogeait vainement le ciel constellé sans rien distinguer de particulier. Aussi trancha-t-il, d'un ton sans réplique : « Allons, allons, mes pauvres petits ! Vous ne voyez rien. Si vous aperceviez quelque chose, Jeannette et moi nous le découvririons également. Les ajoncs nous attendent, le souper aussi ! ».


« Pas un mot de tout cela ; personne ne les croirait et cela ferait peut-être du scandale ! »


La tête basse, les enfants rentrèrent dans la grange. Sur le pas de la porte, Barbedette, inquiet malgré lui, murmura à l'oreille de Jeannette : « Pas un mot de tout cela ; personne ne les croirait et cela ferait peut-être du scandale ! ». Le rythme syncopé des maillets reprit... Pas très longtemps ! Pourquoi, soudain, la gorge de papa Barbedette se noua-t-elle ? « Eugène, va donc voir si tu vois encore ! ». D'un bond, le petit fut dehors et cria aussitôt : « Oui, c'est tout pareil !. Dans ce cas, va chercher ta mère et dis-lui que j'ai besoin d'elle ! »


« Que c'est beau, que c'est beau ! ».


Avec son père, Joseph sortit. De suite il battit des mains en criant : « Que c'est beau, que c'est beau !. Vas-tu te taire !... gronda Mme Barbedette accourue, en frappant Joseph sur le bras. Les voisins nous regardent ! » Les deux enfants interrogèrent leur maman, lui fournissant de multiples détails. Après une longue observation, elle dut avouer : « Je ne vois rien du tout ! ». Aux voisins accourus, rongés de curiosité, elle se borna à dire : « Ce sont les enfants qui « affolent ». Ils disent apercevoir quelque chose, mais ce n'est rien ! ». Et, pour couper court à l'incident, elle repoussa fermement son mari et ses enfants dans la grange en claquant la porte au nez des badauds. Pourtant, maman Barbedette, touchée par l'accent de sincérité des petits, se prit à dire : « C'est peut-être la Sainte Vierge qui vous apparaît... A genoux ! Récitons cinq Pater et cinq Ave en son honneur ! ».
Tous s'exécutèrent avec recueillement. Alors, sûre d'avoir conjuré le mystère de la nuit, elle ajouta, d'un ton résolu, en entrebâillant la porte : « Regardez si vous voyez encore !. Oui, chantèrent joyeusement deux voix cristallines. C'est encore tout pareil ! » Mais allez donc, d'emblée, accueillir semblable vérité ! Allez donc accepter, comme ça, devant des gamins, de perdre la face. en constatant vos limites ! « Une minute ! Je reviens avec mes lunettes ! ». Voilà maman Barbedette de retour, qui ajuste ses besicles, les éloigne, les rapproche, fronce les sourcils, sa servante, Louise, sur les talons. Non, vraiment, la science humaine n'a pas encore réalisé l'appareil d'optique propre à scruter l'au-delà. Gagarine lui-même n'a pas réussi à découvrir Dieu dans le cosmos ! Le jugement tombe, péremptoire, glacial : « Vous ne voyez rien ! Allons, au travail, petits menteurs, petits visionnaires ! ».


Le cœur bien gros, Eugène et Joseph reprirent leurs occupations


L'instant d'après, en quittant la grange pour se rendre à la maison, ils contemplèrent à nouveau, à la dérobée, la céleste Vision, toujours fidèle au rendez-vous. « Venez vite souper », ordonna le père. Marchant à reculons, les petits obéirent. Le repas expédié, permission fut donnée de retourner à la grange, à condition de réciter encore cinq Pater et cinq Ave. La Dame drapée d'étoiles les attendait... Se laissant tomber à genoux dans la neige glacée, les enfants prièrent en dévorant la Vision du regard. Puis ils coururent à la maison, le cœur battant. « C'est toujours pareil ! Oh, que c'est beau La Dame est grande comme sœur Vitaline qui nous fait l'école ! ». A ces mots, Mme Barbedette eut comme une inspiration. « Allons chercher sœur Vitaline. Les sœurs sont meilleures que vous. Si vous voyez, elles verront bien, elles aussi ! ».


Soeur Vitaline et le curé arrivent


Eempognant son Eugène, Victoire Barbedette se hâta vers l'école, sise un peu à gauche, de l'autre côté de la rue. Sœur Vitaline arpentait justement sa classe en récitant dévotement son petit office marial. « Ma Sœur, lui lança tout de go la mère Barbedette, voulez-vous, s'il vous plaît, venir chez nous ? Les enfants disent qu'ils voient quelque chose, mais nous, nous ne voyons rien ! ». Arrive Soeur Vitaline... Intriguée, la religieuse ferma son livre de prière, le glissa dans sa poche et emboîta le pas à ses visiteurs. Sur les lieux de l'Apparition elle interrogea la nuit, en pure perte. « Comment, ma Sœur, vous ne voyez rien ? s'indigna Eugène, scandalisé. Apercevez-vous ces trois grosses étoiles en forme de triangle ? ». Oui, mon garçon ! « Eh bien, la tête de la Dame est juste au milieu ! ». Sœur Vitaline scruta longuement le triangle étoile, en vain, hélas. « Petits menteurs ! gronda Victoire Barbedette. Puisque Sœur Vitaline ne voit rien, vous non plus ! ». Sur ce, elle reconduisit la religieuse en lui enjoignant de se taire. Dans la cuisine de l'école, Sœur Vitaline trouva les trois jeunes pensionnaires, frileusement blotties devant la grande cheminée en attendant le signal du coucher : Françoise Richer, âgée de 11 ans, Jeanne-Marie Lebossé, 9 ans et Augustine Mouton, 12 ans. « Petites, suivez-donc Mme Barbedette. Elle a quelque chose à vous montrer ! ».
Apeurées mais curieuses, les fillettes se mirent en route.
« Je vois quelque chose sur la maison Guidecoq », s'exclama soudain Françoise. Et Jeanne-Marie de s'écrier, à son tour : « Oh ! la belle Dame ! Elle porte une robe bleue, avec des étoiles d'or ! ». Augustine ne distingua rien et l'avoua, toute triste. Derrière ses compagnes, Augustine fouillait en vain la nuit constellée... Inexplicablement, aussi longtemps que dura l'Apparition, elle ne distingua rien et l'avoua, toute triste. Ce mardi soir, 17 janvier, la Supérieure de l'école. Sœur Timothée, avait dû s'absenter pour ne rentrer que le lendemain. Comme elle le regretta, par la suite ! Sœur Vitaline alerta donc sa troisième collègue, Sœur Marie-Edouard, et l'entraîna sans peine vers la demeure des Barbedette. Eugène, Joseph, Françoise et Jeanne-Marie répondirent sans se lasser au feu roulant de leurs questions. « II faut aller chercher Monsieur le Curé et battre le rappel de tous les enfants du bourg ! ».


Voici le Curé


Le vieil abbé Guérin arriva peu après, précédé de sa fidèle servante, Jeannette, lanterne au poing. Puis ce fut le tour du petit Eugène Friteau, 6 ans 1/2, porté par sa grand-mère, qui vit aussitôt la Dame et la décrivit dans tous ses détails, mais dut rentrer chez lui, quelques instants plus tard, trop chétif pour supporter le froid. La placette s'animait de minute en minute. Survint la mère Boitin, épouse du sabotier, sa petite Augustine, 25 mois, dans les bras. Le poupon tendit aussitôt ses menottes vers le ciel puis il applaudit en bégayant : « Le Zésus ! le Zésus ! ». Maintenant, une cinquantaine de personnes se tenaient groupées, nez en l'air, autour du vieux curé. « Oh, voilà quelque chose qui se fait ! », clamèrent soudain les voyants. Et ils expliquèrent à l'abbé Guérin qu'un ovale bleu foncé, large comme la main, venait d'entourer la Dame, tandis que quatre bobèches, portant une bougie non allumée, apparaissaient, fixées à l'intérieur du cerne. Alors, une petite croix rouge, haute de sept à huit centimètres, se dessina sur le cœur de la Dame.


Rien pour les malins...


Jean Guidecoq, cependant, au centre d'un groupe, voulait jouer à l'esprit fort. « Si j'avais des lunettes ou un foulard de soie, je verrais bien, moi aussi ! ». Prenant la mouche, la mère Barbedette courut à la maison, revint avec une écharpe légère que notre balourd déploya devant ses yeux pour murmurer, l'instant d'après : « Je ne vois rien ! ». Rires et plaisanteries fusèrent pour brocarder l'ahuri. Mais semblable facétie peine la Dame aux étoiles. « La voilà tombée dans la tristesse », s'écria Eugène. Ce qu'entendant, le pasteur intervint : « Silence ! Si les enfants voient la Sainte Vierge, c'est qu'ils en sont plus dignes que nous ! ». Monsieur le Curé, risqua timidement Sœur Marie-Edouard, si vous parliez à la Sainte Vierge ?... Hélas, je ne la vois point... Que lui dirais-je ? ». Si vous demandiez aux enfants de lui parler ?... « Prions, coupa l'abbé Guérin, allant tout droit à l'essentiel. Récitons le chapelet ! ».


Une veille exceptionnelle


Tous s'agenouillèrent, dans un crissement de neige, à l'exception des petits voyants, demeurés debout pour mieux contempler le mystère vivant qui se déroulait devant leurs regards extasiés.
Sœur Marie-Edouard égrena ses premiers « Ave ». Alors, la Dame souriante se mit à grandir lentement, tandis que se développait aussi le cerne ovale. Des étoiles, par centaines, se formaient sur la robe de la Vierge, au point que, bientôt, celle-ci parut presque dorée. Les constellations ordinaires, juste avant d'être masquée par la Madone, se rangeaient avec déférence, ruisselaient le long de son corps, pour se grouper finalement à ses pieds. Les astres du firmament célébraient ainsi leur Reine éblouissante.


C'est tout fini


Très ému, l'abbé Guérin demanda à Sœur Marie-Edouard d'entonner le « Magnificat ». Au milieu du premier verset, les petits voyants s'écrièrent en chœur : « Voilà quelque chose qui se fait ! ». A cet instant, une grande banderole blanche se déroula sous les pieds de la Dame tandis qu'une main invisible traçait lentement de mystérieuses lettres d'or. « Voilà un bâton ! », lancèrent les enfants. Non ! c'est un M, un grand M comme dans les livres !... A la fin du « Magnificat » la banderole portait cette inscription, épelée maintes fois par les petits : « Mais priez, mes enfants ». Vainement, par prudence ou déformation professionnelle, Sœur Vitaline chercha à prendre les voyants en défaut. Ils furent séparés, pour éviter toute influence collective. Jamais, cependant, ils ne manifestèrent la moindre hésitation, leurs dires coïncidèrent toujours dans les moindres détails.


Ils sont à Laval


Survint alors le charretier Joseph Babin. Il revenait en toute hâte du village d'Ernée, situé à une vingtaine de kilomètres de Pontmain. Stupéfait d'entendre des cantiques, à pareille heure, en tel lieu et en semblable circonstance, il lança à la cantonade : « Vous n'avez qu'à prier, les Prussiens sont à Laval ! ». Ils seraient à l'entrée du village que nous n'aurions pas peur..., riposta une femme. Renseigné sur les événements, Joseph Babin attacha sa monture et se mêla au groupe.


« Dieu vous exaucera »


Le froid, cependant, glaçait la foule. Si les voyants ne le ressentaient absolument pas, par contre, les adultes grelottaient. Le père Barbedette ouvrit à deux battants le portail de la grange et les gens s'y blottirent frileusement. Cinq chaises furent disposées sur le seuil. Sœur Vitaline s'installa au milieu des enfants. Ces derniers, du reste, se levaient souvent pour commenter les phases de l'Apparition ou pour manifester leur enthousiasme. L'abbé Guérin se tourna vers Sœur Marie-Edouard : « Chantons les litanies de la Sainte Vierge et prions-la de manifester sa volonté ». Dès la première invocation, de nouvelles lettres d'or s'inscrivirent sur la banderole. Les litanies achevées, les enfants pouvaient lire : « Dieu vous exaucera en peu de temps ». Imaginez alors le délire des assistants : « C'est fini, c'est fini ! La guerre va cesser, nous aurons la paix ! ». Oui, mais priez !... répliqua Eugène...


Il n'y a rien


Toutefois, dans la foule, une femme demeurait incrédule. Mariette Guidecoq, la belle-sœur de Jean (l'homme qui s'était ridiculisé avec son foulard de soie) se tenait intérieurement ce langage en scrutant le ciel au-dessus de sa propre maison : « Le curé ne voit rien, ni les Sœurs, ni moi… Les enfants non plus ! Bien sûr que la vue leur « beluette » ! (ils ont la berlue !). Et Mariette s'éloigna pour rentrer chez elle. Mais soudain, prise de faiblesse, elle tomba à genoux dans la neige.
« Dieu me punit »,
gémit-elle en récitant quelques « Pater » et « Ave ». Les forces lui revenant, la femme se releva, entra chez elle, sortit dans le jardin, derrière la maison, observa le ciel en vain et se décida finalement à regagner la grange. Sur la route, elle passa devant la maison du charpentier Basile Avice et, distinguant une faible lumière, elle poussa la porte : « Basile, venez donc à la grange Barbedette. Des enfants voient la Sainte Vierge ». L'homme la suivit aussitôt, accompagné de ses deux fillettes, 10 et 12 ans, et portant dans ses bras son petit Auguste, âgé de 4 ans et demi.


Le petit Avice voit

Arrivé à la grange, le bambin murmura très doucement à l'oreille de son papa : « Je vois bien, moi aussi ! Je vois une belle grande Dame. Elle a une belle robe bleue et des étoiles dorées dessus ».
Puis, quelques instants plus tard : « Elle me regarde, elle rit ! ». Des curieux, tout près, devinèrent les paroles de l'enfant et s'écrièrent : « Le petit Avice qui voit ! ». Bouleversé, le père imposa silence à Auguste. Mais, frappé par le regard ravi de l'enfant, il resta, malgré le froid, jusqu'à la fin de l'Apparition.


« Mon Fils se laisse... »

La foule entonna l' « Inviolata ». Aussitôt, sous la première ligne de la banderole, d'autres lettres se formèrent et les voyants épelèrent ces mots : « Mon Fils ». Un frisson parcourut l'assemblée. « C'est bien la Sainte Vierge, c'est elle, c'est elle ! ». Plus de doute possible : Marie présidait en personne la veillée de prière à Pontmain. Un « Salve Regina » vibrant retentit sous la voûte constellée, afin de célébrer la Reine du Ciel. La seconde phrase de l'inscription se poursuivit : « Mon Fils se laisse... ». « Regardez bien ! », protesta Sœur Vitaline, prenant très au sérieux son rôle de maîtresse d'école. « Mon Fils se laisse... », cela n'a pas de sens ! Il y a sans doute : « Mon Fils se lasse ! ».


« ...toucher ! »


Pauvre Sœur Vitaline ! C'est tout le contraire que Marie avait écrit ! Avant la fin du « Salve Regina » le message fut complet : « Mon Fils se laisse toucher ». Un gros trait doré souligna la seconde ligne. Sœur Marie-Edouard chanta un nouveau cantique, célèbre dans toute la Bretagne, que la foule reprit en chœur : "Mère de l'Espérance, Dont le nom est si doux, Protégez notre France, Priez, priez pour nous ". Aussitôt la Vierge éleva les mains à la hauteur des épaules et se mit à agiter lentement les doigts, au rythme de la musique. Son visage prit une expression d'allégresse indicible qui souleva l'enthousiasme des voyants : « Voilà qu'elle rit, voilà qu'elle rit ! Oh, qu'elle est belle ! ». Les petits sautaient de joie, battaient des mains, tandis que les assistants pleuraient d'émotion.


Le crucifix sanglant


Le cantique achevé, banderole et message disparurent tout à coup. L'abbé Guérin demanda un nouveau chant : « Mon doux Jésus, enfin voici le temps de pardonner à nos cœurs pénitents... ». Subitement, les visages des petits voyants s'assombrirent. « Voilà qu'elle tombe dans la tristesse ! ». En effet, la Vierge prit une expression de poignante douleur. Elle ne pleurait pas mais son regard traduisait son bouleversement intérieur, face aux péchés du monde. Une croix, d'un rouge vif, apparut devant Marie, portant un Christ d'un rouge plus sombre. Au sommet du crucifix, une traverse blanche, avec cette inscription en lettres de feu : « Jésus-Christ ». La Vierge saisit la croix et la tint devant elle, légèrement inclinée vers l'avant. Une étoile mystérieuse glissa dans le ciel, pénétra dans l'ovale et alluma successivement les quatre bougies avant de reprendre sa place, au-dessus du triangle. Le visage abaissé sur le crucifix sanglant, Marie semblait bénir la foule angoissée. Ses lèvres remuaient, elle suppliait son Fils de pardonner au monde pécheur. En larmes, les assistants se sentaient gagnés par une contrition vraie, un regret de leurs fautes jamais éprouvé à ce point.


C'est tout fini


Sœur Marie-Edouard entonna un dernier cantique : « Ave Maris Stella ». Aussitôt, le crucifix rouge disparut et la Vierge abaissa les mains vers le bas, retrouvant sa pose primitive. Deux petites croix blanches vinrent se fixer sur ses épaules tandis que Marie retrouvait son sourire, voilé cependant par un reste de tristesse. Il était maintenant environ 9 heures moins le quart. Sur la proposition du curé Guérin, Jeannette, sa servante, commença la prière du soir. Agenouillés dans la grange ou sur la neige, les assistants s'y associèrent avec ferveur. Au moment de l'examen de conscience, un grand voile blanc apparut aux pieds de la Vierge et monta lentement, la dissimulant peu à peu. Seule, la couronne resta visible un instant, symbole de sa royauté toute-puissante, signe d'espoir pour notre pauvre monde. Enfin, vers 9 heures, tout disparut. « Voyez-vous encore ? », s'enquit l'abbé Guérin. Non, Monsieur le Curé, c'est tout fini... Bonne Maman, Marie a songé au repos de ces villageois qui devront bientôt reprendre leur rude tâche. Dans un silence profond, chacun rentre chez soi. Les cœurs rayonnent de joie et de confiance. Demain, lorsqu'ils seront interrogés sur la nuit merveilleuse qui a suivi l'Apparition, les voyants se contenteront d'avouer, avec un radieux sourire : « On a bien dormi ! ».


Le message de la Vierge


Parler aujourd'hui d'une apparition semble une gageure. Notre époque se sent fort peu portée à admettre le miracle, elle se méfie de tout phénomène d'exception. Comme si cette intrusion du surnaturel dans nos vies bousculait nos raisons pseudo-scientifiques... Comme si nous redoutions un arrachement à nos réalités terrestres. Et pourtant, à Pontmain, Marie ne vient pas flatter nos rêveries sentimentales mais nous inviter à une authentique conversion. Car Pontmain n'est pas un beau conte féerique pour enfants bien sages, une image d'Epinal extraite d'un album poussiéreux édité au siècle dernier. Certes, la Vierge s'est adressée jadis à quelques privilégiés, dans le ciel de Mayenne. Mais, par leur truchement, elle nous transmet un message dont l'actualité dépasse les frontières et défie le temps. Au lieu de nous gausser, comme Jean Guidecoq, l'ahuri au foulard de soie, si nous méditions les profondes leçons de la Vierge aux étoiles ?


La prière...


« Mais priez ! », écrit Marie. Comme si elle voulait nous redire : « Sortez donc de vous-mêmes, levez vos regards vers Celui qui vous sauve ! Priez, admettez une fois pour toutes votre néant. Placez Dieu au cœur de votre action ». Nous connaissons trop bien cette exhortation de la Vierge. Pourtant, interrogeons-nous : quelle place occupe la prière dans nos vies ? A la rigueur, nous n'avons pas encore totalement évacué la prière vocale. Pour nous, prier, c'est surtout parler ! C'est même nous étourdir de mots qui nous donnent l'illusion d'avoir rencontré Dieu. Bien sûr, à Pontmain, invocations et cantiques ont existé. Mais ils ont été entrecoupés de longs moments de silence et de contemplation. Marie elle-même a prêché d'exemple. Pendant trois heures, elle n'a rien dit. Mais quelle intensité d'union à son Fils crucifié, quelle méditation bouleversante... Et nous qui fuyons le silence comme si nous avions peur de la transcendance de Dieu, peur de notre vide intérieur ! Nous croyons porter le Seigneur à nos frères alors que, pleins d'illusion, nous nous agitons seulement dans un activisme creux.


personnelle...


Prions ! Selon l'esprit de Pontmain, car, évidemment, il ne nous viendrait pas à l'idée d'employer la même formulation. Avons-nous réalisé que la louange divine occupe, chez ces humbles, une part essentielle ? Ils chantent les grandeurs de Dieu et de sa Mère. Ils expriment leur foi, leur espérance, leur repentir, au lieu de gémir sur la rigueur du temps et les misères de la guerre... La prière est tout de même autre chose qu'un distributeur automatique de grâces temporelles, elle dépasse le cadre étriqué de nos demandes intéressées. Chez nous, est-ce le cas ?


...et communautaire

Prions aussi communautairement. La liturgie improvisée de Pontmain est un modèle du genre. Elle implique une participation active de tous, sur ce point, où en sommes-nous ? Savons-nous encore chanter, répondre, écouter une homélie, méditer la parole de Dieu, offrir nos services pour une lecture liturgique ou même, tout bonnement, occuper, dans nos églises, les premiers rangs étrangement déserts ?


L'Espérance

« Dieu vous exaucera en peu de temps. Mon Fils se laisse toucher ». Oui, Dieu répond toujours à nos appels, il agit constamment par son Esprit au cœur de son Eglise. Pas pour nous apporter des solutions faciles ni pour accéder à nos caprices, mais pour nous aider à chercher, à lutter, à grandir. A travers les soubresauts de notre monde en mutation, il nous faut progresser et non gémir en remâchant un pessimisme anti-chrétien. Nous déplorons la perte de tant de structures sécurisantes... Tant mieux si le Seigneur vient bouleverser nos embourgeoisements et nous rappeler que « nous n'avons pas, ici-bas, de demeure permanente ». Peuple de Dieu en marche, nous devons cheminer ensemble « au devant de l'Epoux qui vient ». Trop de chrétiens, aujourd'hui, souffrent d'une crise d'espérance. Ils se comportent comme si l'Esprit Saint avait cessé de s'intéresser à l'édification du Royaume. Cette attitude est scandaleuse. La Vierge de Pontmain redit aux désabusés de lever les yeux vers le ciel, d'où leur vient le secours, mais aussi de se mettre résolument à l'œuvre pour transformer le monde.


Une Dame couronnée d'étoiles

« Un grand signe parut dans le ciel : une Dame couronnée d'étoiles... criant dans les douleurs de l'enfantement ». (Apocalypse, XII). Cette vision de saint Jean, Marie vient la reproduire, nous rappelant qu'elle met au monde, dans les souffrances de sa compassion, les frères de Jésus, ceux qui forment, avec lui, le Christ total. Dès le début, les villageois ont deviné la présence de la Vierge. Bien avant qu'elle ne se révèle en traçant, au milieu des constellations : « Mon Fils se laisse toucher ». Aussi leur prière, tout naturellement, passe par Marie. Dans quelle mesure agissons-nous de même ? N'aurions-nous pas trop oublié Celle que le Concile a saluée comme la Mère de Dieu et la Mère des Hommes, Celle qui constitue — avec son Fils, bien sûr, et à un niveau différent — le trait d'union parfait, indispensable, entre le ciel et la terre ?


Présence...

Notre-Dame de Pontmain se tait mais elle est là. Non contente de présider la liturgie du soir, elle l'anime, elle l'inspire, comme jadis au Cénacle. Pas pour attirer les coeurs vers elle, mais pour les tourner vers son Fils, ainsi qu'elle le fit à Cana. Vierge accablée de tristesse, elle porte la croix, nous la présente, nous engage à contempler son Enfant mort et ressuscité qui nous sauve. Elle nous invite à méditer sur le sens du péché et de la souffrance. N'est-ce pas aussi nos douleurs humaines quelle sanctifie en les unissant à celles de son Fils ?


... souriante

Notre-Dame de Pontmain sait également sourire. Non pas d'un rire fat, artificiel, celui de nos vedettes minables. L'expression céleste de son visage captive les enfants et se transmet, telle une onde radieuse, à tous les témoins de la nuit merveilleuse. Vision d'un au-delà, si propre à dérider nos fronts rembrunis ! Marie sait que Dieu passe, porteur de salut. Elle nous incite à croire. « Vierge drapée d'étoiles, toujours présente au monde d'aujourd'hui, enseignez-nous à prier en esprit et en vérité. Cause de notre joie, raffermissez notre espérance. Toute-Puissance suppliante, aidez vos enfants à mieux saisir votre rôle maternel. Notre-Dame de Pontmain, inlassable visiteuse d'une terre qui ne saurait se passer de Dieu, donnez-nous votre Fils ».


Texte du Frère Bernard Descroix paru dans la revue Présence Mariste

 

Gallerie de photos et prières à Notre Dame de Pontmain,

cliquer sur le lien suivant:

http://imagessaintes.canalblog.com/archives/2008/09/29/10761270.html

 

Site du sanctuaire de Pontmain

http://www.sanctuaire-pontmain.com

 



26/09/2008
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