Spiritualité Chrétienne

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Saint Athanase de l'Athos 2e partie

 Saint Athanase de l'Athos, suite


L'accueil des Athonites


C'est à la suite de ces incidents qu'ils revinrent. Théodote, précédemment envoyé par le père sur la Montagne, comme nous l'avons dit plus haut, était revenu au monastère. Il y avait trouvé tout le monde agité, à cause de ce départ de leur père, et ils vivaient dans une grande anxiété. De plus, le supérieur de la Laure refusait d'en prendre en main le gouvernement. Théodote partit pour Chypre, mais il fut dirigé par des vents contraires, et rencontra, à Adalia, Athanase lui-même. Lorsqu'ils se virent l'un l'autre, ils se réjouirent beaucoup en esprit, mais lorsque le père apprit que les frères étaient troublés, complète-ment privés de pasteur et en train de se disperser, de la joie il passa au découragement et à la tristesse. Et il envoya aussitôt Théodote à la Laure, pour annoncer aux frères son arrivée, et ainsi purent être regroupés ceux qui étaient déjà dispersés. Les voisins de la Laure et ceux qui étaient dans les environs conçurent beaucoup de respect et de confiance envers un père si loyal; ils se réjouirent et glorifièrent Dieu en apprenant son retour et ils montrèrent leur joie par leur attitude. Ils vinrent, en effet, le voir et recevoir sa bénédiction non pas les mains vides, mais l'un lui apportant du pain, l'autre du vin, un autre quelque denrée nécessaire, chacun quelque chose qu'il voyait manquer aux frères. Il n'y eut rien, ni un morceau de pain, ni de la levure qu'ils n'eus-sent reçu alors, comme le racontait plus tard un homme pieux, honoré et âgé, disciple du père et qui avait tout vu et savait tout.


D'une visite à l'empereur


Ayant en peu de temps restauré le monastère et tout disposé, Athanase se rendit auprès de l'empereur. Apprenant sa venue, celui-ci se réjouit, parce qu'il désirait le voir. Gêné par son habit impérial, il alla à sa rencontre comme un homme ordinaire. Il lui prit la main, et après l'avoir embrassé, ils le conduisit dans ses appartements. L'ayant fait asseoir à côté de lui : "Je sais, mon père, dit-il, que je suis la cause de toutes tes inquiétudes et de toutes tes peines, parce que j'ai méprisé la crainte de Dieu, violé et foulé aux pieds mes engagements envers Lui. Toutefois, je te prie et je te supplie d'avoir pitié de moi en attendant mon retour, jusqu'à ce que Dieu me donne de Lui adresser de nouveau mes prières". Réconforté par ces paroles agréables à Dieu, le père, bien qu'il sût qu'il ne réaliserait pas ce dessein, mais voyant sa contrition et sa pénitence, jugea inopportun de broyer le roseau incliné. Il lui pardonna, l'exhorta à vivre avec frugalité et dans l'humilité, à se confesser et à faire pénitence devant Dieu chaque jour, pour son infidélité et pour ses autres fautes. Il lui recommanda en outre d'être compatissant pour ceux qui se heurteraient à sa force et de faire des aumônes à tous. Et de plus, il l'avertit et lui prédit que, selon ce qu'il en savait, il mourrait sur le trône. L'empereur, soucieux du monastère, remit au père une chrysobulle de donation lui adjugeant une somme importante et ajoutant, comme don, le monastère de Thessalonique qu'il avait fondé et appelé le Grand Monastère.


Athanase fit construire un port à Lavra


Après ces négociations et ces accords, le père rentra sur la Montagne et entreprit de nouveaux travaux. Le nombre des moines ne cessait d'augmenter et, plus forte était la prospérité, plus l'intendant devait fournir de moyens de subsistance; les offrandes abondaient au monastère, et la charge des hôtes croissait : personne, en effet, ne venait du monastère et ne se retirait les mains vides. Si la tempête ou l'hiver amenaient sur le rivage des navigateurs, à tous, aussi longtemps qu'ils restaient là, la nourriture était donnée par le monastère. Bien plus, tous les navires qui avaient subi des avaries contre les écueils de la mer et qui y abordaient, y trouvaient les réparations nécessaires - ce qui, depuis le temps où cela a été rapporté, se fait encore jusqu'à ce jour. Comme la mer voisine du monastère n'avait pas de port et que la côte, étant escarpée, ne laissait pas mouiller les navires de la Laure ni ceux qui, pressés par la nécessité, abordaient de partout, mais leur faisait courir un continuel danger, ce père hospitalier et divin, entreprit la construction d'un port. Le vénérable père avait coutume de venir en aide aux travailleurs, ou plutôt de mettre lui-même, le premier, la main à l'oeuvre. On transportait au port une énorme poutre de bois, et il aidait à ce transport, les ouvriers qui poussaient, en haut, le bois sur la pente. Le père, appuyant le pied aux pierres du rivage, avec ceux qui étaient en bas, tirait le bois. Le malin, qui en voulait au saint, fit en sorte que cette masse de bois glissât et en roulant lui broyât le talon et la jambe. Le père fut alité pendant trois ans et éprouva des souffrances aiguës. Néanmoins il ne supportait pas l'oisiveté et il acheva en quarante jours de copier tout le livre des anciens. D'autre part le travail de son âme s'intensifia beaucoup. Éloigné des travaux du dehors, il s'occupa de lui seul et de Dieu.


D'un différend avec les ermites, et du jugement de l'empereur


Le lit le retint donc à cause des souffrances de la blessure qu'il avait eut lors de l'accident. Entre-temps mourut l'empereur Nicéphore, à la suite d'un complot que tous connaissent et que je tairai. Le prince des ténèbres profitant de l'occasion de l'arrivée au pouvoir du très puissant Jean, se dressa de nouveau contre le père. Trouvant les vénérables anciens de la Montagne très simples, animés du zèle spirituel et ne voulant pas transgresser leurs vieilles traditions, il les tenta tous. Il les séduisit chacun en particulier en abusant de leur simplicité et leur donna ce conseil : "Quoi donc ! ne voyez-vous pas qu'Athanase tyrannise la Montagne, renverse les anciens usages et les coutumes ? Il élève, en effet, des demeures somptueuses, il instaure des églises et des ports, il capte des sources d'eau, il se sert de couples de boeufs et il introduit le monde sur la Montagne. Ne voyez-vous pas aussi qu'il a ensemencé des champs et planté des vignes et qu'il retire le fruit des semailles ? Exterminons-le rapidement du nombre de ceux qui sont ici, et, ce qu'il a édifié, nous le détruirons et nous dévasterons ses champs, pour que son nom ne soit plus en mémoire. Donc, appelez-en à l'empereur Jean et il le chassera d'ici". Trompant les anciens par ces dis-cours, le malin souleva une guerre intérieure contre le père, et il leur inspira de porter cette pensée à l'empereur et de lui adresser une supplique renfermant leurs griefs contre Athanase : "Il dé-range nos anciennes lois et réforme les vieilles coutumes de la Montagne". Ils firent donc parvenir cette demande à l'empereur. Et celui-ci écrivit à Athanase de venir au plus tôt à la capitale. Lorsqu'il y fut arrivé et qu'il eut parlé à l'empereur, aussitôt, la grâce de Dieu, qui l'accompagnait et s'attachait toujours à lui, non seulement lui concilia la bienveillance du souverain, auparavant irrité contre lui, mais elle lui fit même mériter son amitié et sa faveur. Il fut donné au monastère par l'empereur Jean, dans un chrysobulle de donation, la somme de deux cent quarante-quatre livres d'or, ainsi qu'il avait été fait par l'immortel empereur Nicéphore. Voyant avec étonnement ce renversement inattendu et n'ignorant nullement la faveur qui protégeait Athanase, les anciens eurent conscience de la machination diabolique par laquelle ils avaient été trompés, et, pleins de repentir et de regrets, coururent à lui et lui demandèrent pardon. Le père le leur accorda et beaucoup s'attachèrent à lui.


D'un frère qui faillit mettre fin aux jours d'Athanase


L'ennemi sans cesse en éveil fit tomber un frère de la communauté dans la haine de la vie ascétique et régulière, et il le tourna contre le père, sous prétexte qu'il lui faisait violence pour l'engager dans les luttes spirituelles; d'où il l'excita au meurtre contre lui. Observant le temps favorable de la nuit, c'est-à-dire l'heure où le père avait coutume d'être en veille, il alla près de sa cellule, et s'approchant lui dit : "Père, bénis-moi" ! Pensant qu'à sa voix le père allait sortir, il accomplirait ainsi son meurtre en toute sécurité. Or cette voix était la voix de Jacob, mais ses mains les mains d'Esaü 13, et le père, comme le juste Abel, ne savait pas que c'était Caïn qui se tenait à la porte devant la cellule. D'une voix résolue, il l'interrogea : "Toi, qui es-tu ?" Et il entrouvrit la porte. Et cet assassin, entendant la voix du pasteur, fut frappé par son timbre, et, devenu raide comme un mort de crainte et d'effroi, il desserra les mains, et son glaive fut projeté sur le sol; tandis que lui-même, tombé la face contre terre, se roulait aux pieds du père en le suppliant : "Aie pitié, père, de ton meurtrier, pardonne-moi cette iniquité et remets-moi l'impiété de mon coeur". Le père allumant la lumière et voyant le poignard à terre, comprit son intention et dit : "Suis-je donc un brigand que tu es venu à moi avec cette arme, mon enfant ? Ferme la bouche, cache ton méfait; ne t'expose pas au mépris public et ne révèle cet incident à personne, en aucun temps que ce soit. Dieu en effet, t'a remis ton péché et voilà que je t'embrasse, toi mon enfant". Le père lui manifesta une plus grande tendresse, et ce frère, comprenant son péché, ne put se garder de le proclamer à tous, divulguant ainsi la charité du père. On dit qu'après sa mort, Athanase le pleura plus qu'aucun autre.


Comment Athanase guérissait les maux de l'âme par le travail des mains


Si Athanase trouvait des frères relâchés et languissants, fatigués et paresseux, tombant malades ou pervertis, aimant l'ivresse ou ayant la vie souillée d'une autre façon, tous il les recevait et en prenait soin. Voyant que la paresse amène de grandes souffrances à l'âme, il ne les laissait pas alors manger sans rien faire, mais, tel un bon médecin des âmes, il ordonnait aux uns d'aller à la cuisine pour y couper les légumes, aux autres au réfectoire pour tailler le pain. Il en envoyait d'autres à la forge pour travailler aux soufflets et servir les artisans, afin de les purifier des pensées mauvaises par ces occupations et de leur faire prendre la voie de la pénitence. C'est par ces pratiques et ces remèdes qu'Athanase apprenait aux frères comment il faut traiter ceux qui désirent guérir leur âme. Il nous faisait une loi d'avoir autant de sollicitude pour les frères dans le Christ que pour le salut de nos propres membres, de peur que nous aussi, disait-il, nous ne tombions dans les mêmes tentations, car bien faire est bien meilleur que de mal souffrir. Tout en dirigeant les frères vers les divers ateliers, pour leur faire fuir la paresse et les dommages spirituels, il ne permettait pas à ceux qui étaient occupés dans les travaux manuels, soit au service de la boulangerie, soit à la cuisine, soit à la vigne, ou qui travaillaient dans un autre service, de le faire avec nonchalance, mais il leur donnait l'ordre formel de psalmodier et de ne pas flâner, afin que leur travail fût béni et leur âme sanctifiée. Il voulait aussi qu'on fît de même pendant le transport des denrées des navires au magasin de vivres, afin que, par les chants des débardeurs, Dieu fût remercié, Lui qui nous nourrit.


Ce qu'il faisait pour les maladies corporelles


Ceux qui étaient éprouvés par différentes maladies et infirmités, les membres de la communauté et d'autres frères dans le Christ, il les envoyait se faire soigner à l'infirmerie et confiait ceux qui étaient gravement atteints à des frères habiles, comme un dépôt et un trésor inestimables. Le père avait construit une infirmerie et un bain pour les malades, et, comme un médecin laborieux, il avait placé un infirmier et d'autres frères peinant avec lui pour leur service. Lui-même était leur chef à tous, les surveillait tous, et le premier il s'occupait des pansements; et si les servants ne pouvaient supporter la mauvaise odeur des plaies, ou avaient de la répugnance pour les ulcères, lui-même, de ses propres mains, les lavait, inondant d'eau tiède les membres pourris, liant et soulageant les blessures par son seul contact et les guérissant. En cela il s'efforçait de tout son pouvoir de demeurer caché; la force de sa vertu pourtant le publiait par des guérisons.


L'endurance et l'humilité du saint


Ainsi donc, plus augmentait le troupeau, plus grandes étaient les luttes ascétiques qu'il s'imposait; il s'imposait une maîtrise de soi continuelle, prolongeait ses veilles et, à chacun des trois carêmes, continuait son jeûne pendant cinq jours; bref toute sa vie était un jeûne. Lorsqu'il se trouvait au réfectoire avec les frères, il leur distribuait ce qui était servi, mais lui-même faisait semblant de manger pour éviter leurs regards, et ne goûtait à rien de tout ce qui était distribué après le pain liturgique. Les veilles faisaient pour lui de la nuit le jour, et ses pieds étaient couverts de varices à cause de ses nombreuses stations. Si parfois, le soir, il avait besoin de goûter un sommeil modéré, sa couche était une simple peau et sa couverture son habit. Aussi avait-il sans cesse en lui une grâce de Dieu qui coopérait à tout. Qui ignore tous ceux qu'il a redressé par ses exhortations, faisant la règle à chacun, en particulier et en communauté, enseignant, punissant, consolant et relevant contre l'ennemi invisible, portant les fardeaux de tous, les chargeant sur ses épaules, se faisant tout à tous et les sauvant tous par ses encouragements et par l'exemple de sa vertu ? Que d'efforts il faisait pour cacher ses miracles ! Mais ceux-ci se manifestaient d'eux-mêmes. Il imposait les mains aux malades et, comme s'il avait touché leurs souffrances, il les délivrait. Si quelqu'un était éprouvé par une passion de dissentiment, de haine ou d'envie, il s'en ouvrait au père; il lui était alors rappelé d'avoir de l'amour pour le prochain et le bâton du père lui était imposé sur la tête ou sur la poitrine.


Des nombreux disciples que lui attirait le rayonnement de sa vertu


Aussi arriva-t-il que sous l'influence de sa vertu, toute la montagne se remplit d'habitants et qu'augmenta grandement le nombre de ceux qui étaient agréables à Dieu. Tout le choeur des anciens, abandonnant la vie hésychaste et érémitique, venait à lui, jugeant plus utile de vivre avec lui, d'être formé et dirigé par lui dans la vertu. Un grand nombre de disciples accoururent de toutes nations, même de Rome, d'Italie, de Calabre, d'Amalfi, d'Ibérie et d'Arménie, non pas seulement des roturiers et des gens du commun, mais des nobles et des riches; et bien plus, même des abbés de monastères et des évêques renonçaient à leurs charges, venaient le trouver et s'abandonnaient à lui et à sa direction. Parmi eux, se trouvèrent même le grand patriarche Nicolas, le célèbre Chariton, le très sage et très grand ascète André de Chrysopolis, et Acace qui brillait dans l'ascèse depuis de longues années. Il y eut encore quelques ermites et quelques anachorètes qui avaient vieilli dans la vie ascétique de-puis très longtemps, et qui, selon une divine disposition, virent à lui le suppliant de les compter parmi ses disciples; parmi eux était le bienheureux Nicéphore, qui avait vécu avec saint Phantin dans les montagnes de la Calabre. Ils habitaient tous deux ensemble, lorsqu'ils reçurent un divin oracle leur enjoignant de partir pour Thessalonique; selon cet oracle, l'un devait y mourir, tandis que Nicéphore gagnerait l'Athos, se rendrait près d'Athanase, et remettrait entre ses mains toute sa volonté. Après sa mort, il fut transporté par le père dans l'un des nouveaux sépulcres et l'on vit des grains de myrrhe s'attacher en abondance à ses os desséchés et exhaler un parfum agréable. Si donc le fruit indique l'arbre et l'arbre la racine, ainsi Athanase est montré tel qu'il était par le fruit de ses enseignements.


Comment Athanase formait ses moines à l'intelligence des saintes Écritures et à une patience admirable


Le père dirigeait ainsi ses enfants et, les perfectionnant, ne laissait pas cette formation inachevée. Comme certains des frères, qui peinaient et qui luttaient dans l'ascèse, étaient illettrés, c'était un obstacle pour eux dans la voie de la vertu que de ne pas comprendre les Écritures. A cause de cela, il ordonna de construire des cellules et des dortoirs auxquels il donna le nom d'école. Il leur proposa des maîtres, qui, après l'office du soir, reprenaient les livres, et leur relisaient les passages les plus utiles à l'âme, les leur interprétaient et les élevaient dans la crainte de Dieu et la sollicitude de la vertu. Si quelqu'un se montrait irascible, il l'exhortait et lui montrait que beaucoup de fautes viennent à l'âme par la colère, et qu'à ceux qui luttaient contre cette passion, une grande récompense était réservée. Si ce frère défendait son point de vue et voulait justifier sa colère, il permettait secrètement à tous de le prendre comme cible de leurs plaisanteries, et l'un se tenant en face de lui le raillait librement, un autre en passant se moquait de lui, un autre en le croisant lui faisait des reproches. Ainsi blessé par les sarcasmes et désespérant de tout secours, il demeurait muet et, se réfugiant près du père, se la-mentait de ses malheurs. Le père l'accueillait alors, le consolait par des paroles douces, feignant de blâmer ceux qui s'étaient moqués de lui et disant qu'ils étaient injustes et cruels. Lorsqu'il constatait qu'il revenait un peu de sa colère, il se mettait à l'exhorter en lui disant : "Il ne faut pas, enfant, que le moine s'irrite et se mette en colère; l'un et l'autre, en effet, sont de graves maladies de l'âme, et, si ce n'était pas un mouvement diabolique de l'âme que de s'irriter sans se dominer, les frères n'auraient pas eu l'occasion de se moquer de toi. Il faut donc obéir au jugement des autres et ne pas te conformer à ta propre désobéissance".


D'un chargement de poissons pêchés par désobéissance


Disons à présent quelque chose des méfaits de la désobéissance. Un jour, comme on avait besoin de poissons pour une grande fête, le père s'en remit aux frères chargés d'aller à la pêche, leur désignant l'endroit où il fallait jeter le filet. Ceux-ci s'appliquèrent donc au travail, et, ayant abandonné l'endroit déterminé pour lancer le filet dans un autre plus propice, ils prirent une quantité de poissons. Lorsqu'ils revinrent au monastère et que le père vit cela, il se réjouit beaucoup, car on était dans le besoin. Mais lorsqu'ils racontèrent l'endroit où ils avaient pris cette quantité de poissons, le père s'en prit à leur désobéissance, bien qu'ils ne l'eussent pas commise par négligence ou par mépris. Sur-le-champ, d'après le commandement du père, ce chargement fut jeté à terre et dispersé, et il fit en même temps la leçon aux autres frères de ne jamais désobéir aux commandements, même sous de pieux prétextes.


D'un pot de caviar répandu à terre


Les moines amalfitains vivant sur la sainte montagne vinrent visiter le père et lui apportèrent du caviar. Le père le transmit à l'économe en lui recommandant de ne servir que de celui-là, lorsqu'on en aurait besoin, car les anciens le trouvaient savoureux. Mais, enfreignant cet ordre, l'économe en présenta de l'autre qu'il avait préparé lui-même auparavant. Certains de ceux qui étaient présents et qui mangeaient avec lui, louaient ce caviar comme excellent, et le père de dire que c'était là une préparation des Amalfitains. L'économe supportant mal de voir ceux-ci loués à sa place, répliqua que c'était lui qui l'avait préparé. Alors le père ordonna de répandre par terre tout le caviar de l'économe, corrigeant ainsi la désobéissance de son propre disciple et réprimandant un sentiment d'orgueil.


Ce qu'il advint du gâteau de fête


En la fête du grand Athanase, l'économe d'alors, qui portait le même nom que le père, avait prié celui-ci de consentir à célébrer cette fête; le père, bien que peu disposé à donner son assentiment, s'inclina pourtant. Ainsi l'économe aidé par son service, prépara un repas de fête très coûteux, et fit servir en dernier lieu des gâteaux de miel et des pâtisseries. Ce que voyant, le saint, étonné de ce spectacle inaccoutumé, s'indigna contre son économe, qualifia son acte d'intempérance et fit jeter de la table tous ces mets. Un des frères, assis parmi les dernières tables du réfectoire, voyant qu'on retirait les desserts, entraîna ceux qui étaient assis avec lui et ils en prirent. Le père, appela aussitôt les gourmands, et leur dit : "Comment, en vérité, en venez-vous à une pareille folie de mépriser les traditions des pères, de traiter sans égards la règle commune et de goûter de ces douceurs avec témérité ? Ne savez-vous pas que notre premier père, pour avoir mangé témérairement du fruit de l'arbre, fut condamné à une vie de souffrances ?"


Des ermites de Kerasia


Revenons maintenant au récit de ses miracles, en rappelant un fait qui manifeste son charisme de vue à distance. Au plus rude de l'hiver, le père se trouvait un jour devant sa cellule alors que le moine Jean, qui gardait le dépôt de vivres, passait en face; appelé par le père, il s'en approcha avec sa sou-mission habituelle. Le père pensif et troublé demeura longtemps incliné vers lui; enfin se redressant : "Appelle-moi, dit-il, le chasseur Théodore". Et celui-ci se présentant : "Va, dit le père, mange, ensuite prends des vivres et cours jusqu'à Kerasia. Lorsque tu seras en face de Chalasmata, va près de la mer et tu rencontreras trois hommes à l'âme découragée par l'indigence dans laquelle ils se trouvent. L'un est moine. Hâte-toi, afin de les trouver vivants; donne leur du pain et les réconforte avant qu'ils n'aient rendu l'âme; après que tu les auras fortifiés, qu'ils reviennent eux-mêmes avec toi". Le chasseur, faisant donc ce qui lui était commandé, trouva toutes choses ainsi que le père l'avait dit prophétique-ment; après les avoir nourris et rassasiés de ce qu'il avait apporté et les avoir complètement restaurés, il les conduisit au monastère, rendant grâces, pour leur salut, à Dieu et à son serviteur.


D'un miracle par lequel Athanase sauva ses compagnons d'un naufrage


Un travail des plus nécessaires le pressant, le père, ayant pris place dans un bateau avec quelques frères, s'éloigna. Ils étaient portés par une mer pacifique et par un vent modéré. Comme ils arrivaient en haute mer, l'ennemi tenta de jeter à la mer le père et les frères qui étaient avec lui. Il souleva un vent fort et violent, déchaîna la mer et, enveloppant le bateau, le fit chavirer en un rien de temps, les recouvrant tous et les entraînant au fond de l'eau. Mais quelle ne fut pas la grandeur des merveilles de Dieu ! Le père, en effet, à peine le navire avait-il chaviré, se trouva assis sur la carène; encourageant les frères, et les appelant un à un, il les tira hors de l'eau et les sauva tous. L'un d'entre eux, appelé Pierre, cypriote d'origine, se montrant incrédule comme jadis l'apôtre Pierre, avait été submergé sur-le-champ; mais le père, ayant réuni les autres et ne le voyant pas, eut le coeur blessé et s'écria : "Pierre, mon enfant, où es-tu ?" Et à cet appel, Pierre sortit de l'abîme. Ce fut là un très grand et étrange miracle; que rien ne soit tombé de ce qui se trouvait dans le na-vire, fut plus étrange encore. Les frères de Lavra, qui avaient accompagné le père jusqu'au port et qui, du rivage, ne l'avaient pas quitté des yeux, voyant tout ce qui s'était passé, montèrent aussitôt dans un autre navire et, arrivant à toute vitesse, ils redressèrent le bateau, les y embarquèrent et ainsi ils revinrent ensemble. La foi qu'ils avaient envers le père s'accrut encore.


D'un possédé délivré par Athanase


Un moine venant du dehors, batteur d'airain de son métier et appelé Matthieu, était possédé du démon. Il s'approcha du père, et le pria de lui porter secours. Le saint l'embrassa comme un membre de sa propre communauté. Ensuite, il appela un des frères qu'il savait artisan éprouvé et lui confia le patient, lui disant secrètement : "Tu en tireras grande utilité et profit". Cet ouvrier reçut dans sa cellule le frère possédé, tel un trésor d'un grand prix. Mais comme il n'était pas en état de pouvoir supporter longtemps la cruauté du démon, il alla au père avec piété et tristesse et lui dit : "Pardonne-moi, père, mais la tâche que tu m'as donnée est au-dessus de mes forces". Après lui avoir reproché son manque de persévérance, Athanase fit appeler un autre frère plus éprouvé et plus généreux qui, comme le premier, abandonna la tâche. Le père en appela un troisième nommé Ambroise, plus persévérant, et lui dit : "Prends avec toi ce frère, et si tu ne cèdes pas au découragement devant sa maladie, je t'assure qu'à cause de cette seule patience, tu deviendras l'héritier du royaume des cieux". Et Ambroise, considérant l'ordre reçu comme une occasion de vertu, faisant une métanie, puis baisant les pieds du père et gardant sa promesse devant les yeux, lutta généreusement contre le démon. Mais l'audace de l'esprit malin en eut également raison. Le père, renouvelant l'ordre de persévérer, lui dit : "Si de nouveau la tyrannie du démon surprend le frère, viens près de moi rapidement, sans faire attention ni à l'heure ni au lieu". Ambroise obéit, et le frère retombant de nouveau dans sa folie, il accourut près du père et l'appela, frappant à coups redoublés à sa porte. Le père, feignant de l'oublier, lui lança des injures et le chassa, en disant : "Esprit ténébreux, pourquoi me harcèles-tu ?" Qu'arriva-t-il alors ? L'ancien retourna et le malade, délivré de ses souffrances, guérit.


Comment Athanase fit surgir une nuée d'oiseaux


Mais il faut passer à un autre des miracles du saint. L'île des Jeunes est un des dons que firent à Lavra les puissants et immortels empereurs. Elle est appelée ainsi parce qu'on y a élevé un établissement et qu'on y fait faire un stage aux plus jeunes des moines. Elle est sèche naturellement, mais bonne et fertile en pâturage; c'est de là que l'on pourvoyait aux besoins des bêtes de somme de Lavra. Dans cette île, une grande quantité de sauterelles fit invasion, dévastant toutes les semailles et dépouillant la terre de toute herbe verte, de telle sorte que pas la moindre nourriture n'était laissée aux animaux. Aussi, les chèvres qui s'y trouvaient et produisaient de la belle laine furent-elles transportées en d'autres endroits. Ceux qui étaient dans l'île, ne pouvant supporter cette épreuve, allèrent raconter au père ce qui était survenu, et se lamentant de leur malheur, ils dirent : "Les troupeaux dépérissent faute de nourriture, il ne reste plus de boeufs dans les étables; fais la traversée et aide-nous". Se trouvant donc dans l'île, ce père thaumaturge trouva les sauterelles dévorant toutes choses et ne ménageant que les vignes. Comme on lui en demandait la cause, il dit que c'était là une dis-position de Dieu, qui consolait et soutenait notre faiblesse; les autres disaient qu'elles s'en écartaient par instinct. Mais le père, voulant redresser leur fausse opinion, ordonna de couper des feuilles de vigne et de les jeter hors de l'enclos. Dès que cela fut fait, en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, les sauterelles les dévorèrent. S'étant mis en prière avec les autres frères, il mit fin au désastre et fit cesser la ruine; en effet, une foule innombrable d'oiseaux, soit des grives, soit d'autres espèces, survint en masse et dévora les sauterelles en un instant.


Comment des moines jaloux d'Athanase essayèrent de le perdre auprès de l'empereur


Certains des higoumènes de la Montagne, en proie à l'appétit de domination, ne supportaient pas d'être appelés les seconds des anciens frères, mais cherchaient à être honorés et à avoir la préséance. N'y parvenant pas, ils accusèrent le père d'être la cause de ce qu'ils croyaient leur porter ombrage. C'est pourquoi s'adressant au Protos d'alors, ils lui dirent d'une façon insidieuse : "Tu portes le nom de Protos, mais n'est-ce pas le pasteur de Lavra qui en a la fonction ? Toutefois, si tu ne veux pas dédaigner notre conseil, tu sauvegarderas par ton commandement ton pouvoir". L'ancien, ayant l'esprit très simple, ne reconnut pas la ruse, mais leur obéit comme à de bons conseillers. Lorsque donc l'immortel empereur Basile, guerroyant contre les barbares, laissa reposer son armée en Macédoine, ces moines voulant s'adresser à l'empereur pour l'indisposer contre le père, emmenèrent avec eux le Protos pour couvrir leur propre malice. Comme ils allaient donc trouver l'empereur, ils rencontrèrent le père qui en revenait et, lorsqu'ils lui eurent adressé la salutation et l'honneur coutumiers, il leur demanda où ils allaient et quel était leur but. Les premiers imaginèrent quelques prétextes et motifs; mais l'ancien, ne dissimulant pas sa simplicité, dit  : "C'est contre toi, père, que nous nous rendons près de l'empereur". Et Athanase leur rétorqua avec joie : "Allez-y, mes pères". Le Protos, qui révérait le père, lui demanda pardon sur-le-champ; mais les autres n'eurent pas de repos en sa présence. Lorsqu'ils se furent séparés, ils appelèrent l'ancien, naïf et inconsidéré, lui firent de grands reproches et l'accusèrent de se dérober, de se soustraire, et d'agir par opportunisme. Et l'ancien, refusant d'aller avec eux, les exhorta à cesser leurs machinations contre le père : "Vous ne lui ferez aucun tort et c'est pour vous-mêmes que vous creuserez la fosse", dit-il. Eux pourtant ne prêtèrent pas attention à ces paroles, mais persistant dans leur dessein, se remirent en route vers l'empereur. Et voici comment Dieu vengea son serviteur. En poursuivant leur chemin, ils tombèrent dans un péril imprévu. Ce n'est pas aux mains des ennemis qu'ils tombèrent, mais dans celles des Turcs qui, à cette époque, étaient en paix avec nous et craignaient l'empereur. Ceux-ci, les dépouillant et leur faisant craindre la mort, les renvoyèrent absolument nus, porteurs de leur seule honte. Ayant besoin d'un vêtement pour leurs corps et en manquant, ils revinrent vers Athanase, couverts de confusion. Ayant confiance dans la bonté et la résignation du père, ils se présentèrent à lui. Les voyant dans cet état et en ayant pitié comme des membres de sa propre communauté, Athanase leur partagea les vêtements dont étaient revêtus ses compagnons; il leur procura ce qui était nécessaire pour la route et ainsi ils retournèrent tous dans leurs propres monastères.


D'un vase d'eau de mer changé en eau douce


Il arriva un jour que le père s'embarqua pour un travail avec quelques frères du monastère et qu'une pénurie d'eau survint. L'un des frères, épuisé par une soif terrible, rendait l'âme. En ayant compassion, ce père, aimant ses enfants, s'empara d'un vase d'argile et le remplit d'eau de mer; l'ayant bénie, il la donna à boire au frère assoiffé, disant : "Au Nom de notre Seigneur Jésus Christ prends, bois-en à satiété et donnes-en aux frères qui en ont besoin". Celui-ci, l'ayant prise et goûtée, admira sa douceur et, désaltéré, la partagea avec les autres frères.


Du moine Gérasime


Un autre frère, le moine Gérasime, lui aussi pénétré de foi dans les miracles du père, désirait se rendre à Jérusalem pour prier et adorer au tombeau de notre Seigneur Jésus, et en même temps accomplir quelque service du monastère. Il en reçut la permission du père. Après avoir accompli la tâche qui lui avait été assignée par le père et déposé ses voeux devant le Seigneur, il revint. Il fit alors cette déclaration en prenant Dieu à témoin : "Après mon retour, un jour, je désirais voir le père pour une nécessité pressante (ce moine était alors occupé à la boulangerie). Il se fit que le saint était à ce moment dans l'église des Saints-Apôtres. Je m'y rendis et, arrivé près de la porte, je vis, continua-t-il, son visage semblable à une flamme ardente. M'étant ensuite retiré un peu, je me penchais encore en avant pour le voir et je contemplais son visage qui lançait des éclairs et une sorte d'auréole angélique l'entourant tout entier. De peur, alors je m'écriai : "Père". Lui me voyant effrayé dit d'une voix douce : "N'est-il pas l'heure d'entrer ?" Et moi, omettant de répondre à sa question, je lui racontai ce que j'avais vu et comment j'espérais après cela mourir. Le père me dit alors : "N'aie pas peur, enfant; en outre je te donne le commandement, au Nom du Seigneur tout-puissant, de ne raconter à personne ce que tu as vu, aussi long-temps que je serai parmi les vivants". Ce que j'ai observé.


Du moine Paul


Un frère qui avait été envoyé par le père faire quelque course, avait compromis son âme par négligence et était tombé dans la fornication. Rentrant au monastère, il s'ouvrit au père de son péché et de la pensée de désespoir qui le pressait depuis. Celui-ci ayant pardonné, l'exhorta et l'encouragea. Il faisait cela dans l'espoir de le sauver, le préparait à recommencer ses combats antérieurs et à ne pas désespérer de l'Amour de Dieu. Un des frères, n'admettant pas cette façon d'agir, accabla ouvertement de reproches le père ainsi que le frère tombé. Or, notre doux père, fixant avec insistance l'accusateur, lui dit : "Paul, (c'était son nom), attention à ce que tu fais !" Dès lors, le malin pendant trois jours et trois nuits se mit à l'accabler de ses traits enflammés, au point qu'il désespérait de son propre salut et, ce qui est pire, qu'il avait honte de révéler sa lutte au père. Mais lui, voulant l'amener à l'aveu de son propre tourment, lui parlait à tout instant des travaux du monastère. Paul alors prenant cou-rage, à l'occasion d'une conversation avec le père, tomba à ses pieds, lui révéla sa tentation, demandant un soulagement et une délivrance. Il ne fut pas trompé dans sa prière. En effet, pendant que les frères travaillaient dans les bois de Kerasia et que le père peinait avec eux, Paul qui était l'économe, prépara leur repas. Déjà l'heure du dîner était venue; le père ordonna aux frères de prendre de la nourriture, tandis que lui-même se mettait en prière pour Paul qui était tenté. Le frère sentit à cette heure un froid se répandre en lui de la tête aux pieds, et le bouillonnement de sa chair s'éteignit. Ayant marqué l'heure d'un signe et interrogeant les frères à ce sujet, il trouva que c'était au moment où le père était en prière qu'il avait été délivré de la lutte.


Qu'il ne manquait à Athanase aucun des mérites de tous les autres saints


Les combats du père, ses prodiges, ses charismes spirituels, sont si nombreux qu'il est impossible de les décrire. Après ce bref récit, comparons-le donc à ceux qui jadis ont été vantés pour leur vertu et leur sagesse, afin de voir si vrai-ment il ne lui manquait rien des mérites de ces hommes éminents. Il possédait la sagesse de Joseph, la simplicité de Jacob et l'hospitalité d'Abraham. Comme Moïse et Josué, il fut consacré conducteur d'hommes et pasteur d'un peuple nombreux; législateur, il donna l'héritage céleste à ceux qui étaient conduits et dirigés par lui. Sage était le grand Arsène et, tenant sa sagesse cachée, il en faisait un secret; mais Athanase, même lorsqu'il révélait son savoir, était rempli de sagesse. L'abba saint Saba qui fut célébré comme l'ornement du désert n'eut-il pas un troupeau très nombreux ? Athanase, à son tour, ne remplit-il pas l'Athos de nombreuses retraites ? N'eut-il pas lui-même à diriger et à légiférer comme ceux-là, jadis tant vantés ? Comme Pachôme, Dieu le choisit d'en haut. Pas plus qu'Antoine, il ne chercha à devenir célèbre, mais il agit et fit ainsi parvenir la renommée de sa vertu jusqu'aux empereurs. Et qu'ajouter encore ? Il faut que nous racontions de quelle manière il a quitté l'arène du combat.


De la prophétie de sa mort


Comme beaucoup venaient donc à lui de toutes les parties de l'univers, pour être guidés par lui dans la vertu et trouver le salut de leur âme, il se vit forcé d'agrandir l'église, en proportion du nombre de ses moines. Il se mit donc à l'oeuvre et le temple fut élargi. Comme il ne manquait plus au sanctuaire du temple que sa fermeture, il se disposa à aller sur le chantier pour examiner le travail. Auparavant, il réunit toute la communauté et lut une catéchèse du bienheureux Théodore Studite; ensuite il y ajouta cet avertissement personnel : "Mes frères et enfants, faisons attention à nous-mêmes et gardons notre langue; il vaut mieux tomber d'un endroit élevé que de pécher par la langue. Attendons toujours la tentation, parce que c'est par la tentation et les épreuves que nous entrerons dans le royaume des cieux. Ne vous scandalisez en aucune manière en raison de ce qui pourrait vous arriver de pénible; mais pensez que tout vous sera très utile, car autrement les choses visibles sont conçues par les hommes et autrement il en est disposé par Dieu". Cette catéchèse inspira à tous de l'inquiétude. Le saint revêtit alors son habit, la mandyas et aussi la sainte coule du bienheureux Michel Maleïnos qu'il avait coutume de porter les jours de grandes fêtes et aux fêtes du Seigneur, à savoir lorsqu'il participait aux saints mystères du Christ; son visage était radieux et beau à voir, et il les étonnait tous par ce spectacle inaccoutumé.


De quelle mort mourut Athanase


Entré dans sa cellule, il pria longuement. Il prit avec lui six autres frères et ils montèrent sur les travaux. Au moment où ils y montaient, tout s'écroula et tous furent précipités en bas. Cinq d'entre eux furent tués sur le coup. Le père et un frère, Daniel l'architecte, furent enfermés vivants au milieu des décombres, de sorte que le père fut entendu de tous pendant plus de trois heures criant : "Seigneur Jésus Christ, secours-moi ! Gloire à Dieu !" Au bruit causé par l'écroulement, les frères accoururent de partout; travaillant des pieds et des mains, ils se mirent à déblayer les décombres et, au moyen de tous les instruments qu'ils pouvaient trouver, il transportèrent les blessés au dehors, gémissant et se lamentant. Ils trouvèrent le père déjà mort dans le Seigneur, sa tête sacrée déjà penchée près du saint synthronos, les mains étendues en forme de croix, les pieds élevés comme tournés vers le ciel. Il était bien conservé et sans blessure; seul son pied droit était meurtri par les bois entre lesquels il était pris. Ils l'enlevèrent donc et le déposèrent sur sa couche. Ils renouvelèrent leurs plaintes et tous revenaient pleurer, parce qu'ils avaient perdu leur chef et qu'ils étaient privés de leur médecin et de leur maître, et parce que, selon eux, le juste avait souffert une mort indigne des saints, mais pourtant, je le sais, très digne de son âme. En cela, en effet, il imitait le Christ son modèle, mourant volontairement pour ceux qui étaient morts volontairement par le péché.


Quels miracles accompagnèrent ses funérailles


Pendant les trois jours qui précédèrent son ensevelissement, il ne subit aucun changement, ne portant aucune enflure, aucune noirceur, ni aucune marque repoussante. Le sénat de la montagne ayant appris ce commun malheur et ému de douleur, était venu les trois jours, afin de chanter l'office de la sépulture. Tous étant présents et chantant, un ancien vit le très vénéré cadavre du père qui laissait couler du sang de son pied blessé : grand et merveilleux prodige ! De plus, son visage fut rempli de gloire à cette heure et devint comme la neige. L'ancien se pencha sur le pied sacré et vit la blessure d'où coulait le sang. Comme il l'essuyait avec un linge qu'il portait, il remarqua soudain une source à l'endroit de la goutte, et aussitôt tous y puisèrent et s'en oignirent pour la guérison des âmes et des corps. Ensuite ayant célébré les chants de la sépulcre avec beau-coup d'éclat, ils ensevelirent sous terre ce corps qui, devenu instrument de l'esprit, avait beaucoup combattu. Beaucoup d'autres faits merveilleux et des guérisons furent accomplis par l'intervention du saint après sa mort. On peut les lire dans les récits plus développés de la vie du bienheureux Athanase. On y verra comment le moine Syméon guérit un jour un enfant qui était sur le point d'étouffer, en lui mettant autour du cou un linge qui avait trempé dans le sang du père, comment un possédé fut guéri en passant par la Laure, comment une hémorroïse fut rendue à la santé, un lépreux débarrassé de sa lèpre en invoquant le saint auprès de son tombeau, comment un aveugle y recouvrit la vue, ainsi qu'un très grand nombre d'autres faits et prodiges que nous omettons de rapporter.


Comment le moine Pantéléimon reçut l'ordre de peindre l'icône du saint


Puisque rappeler tous les prodiges du saint père serait la même chose que compter les astres ou l'eau de la mer ou le sable, nous terminerons notre récit sur ce dernier souvenir, afin d'éviter toute surcharge. Cosmas, alors ecclésiarque de la Laure, avait coutume, lorsqu'il se rendait à la capitale pour quelque nécessité, de se présenter au monastère de Panagios, pour rencontrer l'higoumène, le moine Antoine, le très intime disciple de notre saint père. Un jour, à son arrivé, il vit une icône du père, qui était l'expression toute fidèle de son véritable visage et il le pria de la lui donner. Antoine, qui était très jaloux de la posséder et avait en elle une grande confiance, lui répondit : "Il m'est absolument impossible, frère, de m'en priver". Mais, Cosmas insistait dans sa demande et prit le saint lui-même comme arbitre. A la fin, il le contraignit par son insistance à dédire et à lui promettre l'icône. "Seulement, dit-il, si tu veux obtenir ce que tu désires, demeure encore trois jours, pour que nous copions l'archétype et que nous en fassions une autre; alors nous te donnerons celle-ci volontiers". L'ancien y consentit et attendit l'échéance. Le moine Antoine se levant pour l'office quotidien, se rendit près de l'iconographe, appelé Pantéléimon, lui exposa l'affaire et l'excita au travail. "Si tu veux me faire plaisir, ne perds pas ton temps et fais-moi une icône semblable à celle-ci; mais ne traîne pas : c'est une faveur que je te demande". Pantéléimon devant cette hâte se fâcha et dit : "Pour-quoi, père, es-tu toi-même venu me trouver ? Pas plus tard qu'hier soir, cette tâche m'a été indiquée de ta part par ton disciple; j'ai préparé tout ce qui est nécessaire pour mon travail, et voilà, comme tu le vois, que je me dispose à le commencer". Antoine fut stupéfait et, ne comprenant pas ce qu'il voulait dire, il appela le frère que Pantéléimon lui disait être venu la veille. Lui de nier absolument cette démarche. Ainsi tous reconnurent que c'était une apparition du saint. Dans l'espace de trois jours, un autre modèle fut fait et le moine Cosmas prit le prototype avec la plus grande admiration et il le porta à la sainte Laure. Il raconta à ses frères le prodige qui s'était accompli. Cette image jusqu'à ce jour est vénérée par tous sur son saint tombeau.


Invocation finale


Voilà, bienheureux père, les choses de ta vie et de ta mort et tout ce que tu as fait après ta mort et comment tu l'as fait; nous, membres de ton troupeau sacré, encore tournés vers la terre et exposés aux embûches quotidiennes des démons et aux assauts des mauvais hommes, nous avons besoin de ta grâce et de ton intervention près de Dieu, nous avons besoin de ton intercession et de ton intermédiaire. Nous jetant à tes pieds, nous t'en supplions : ne cesse pas d'intercéder près du Dieu ami de l'homme pour le troupeau que tu as aimé de toute ton âme, pour lequel tu as enduré beaucoup de peines et de fatigues, versant ton sang et luttant jusqu'à la mort. Que nous soyons délivrés de l'obscurité des passions et de toute domination des démons et des mauvais hommes. Tu sais, en effet, la crainte de l'un et de l'autre toujours attachée à nous, tu sais l'irréconciliable guerre des démons contre nous, tu sais la difficulté de diriger et de maîtriser le corps, tu sais la nonchalance de notre volonté qui glisse facilement et qui est inclinée vers le mal. C'est pour cela que nous te supplions, afin que dans cette vie douloureuse et trompeuse, accablée de souffrances, tu sois notre aurore, tu sois notre guide et notre maître sauveur. Tu le peux surtout maintenant qu'en présence de la Trinité et illuminé par ses rayons brillants, tu nous surveilles de là-haut et tu nous conduis, afin que, vivant tranquillement et pacifiquement notre court séjour terrestre, nous trouvions le Juge compatissant et bienveillant au jour terrible du jugement, Lui à qui sont dues la gloire et la magnificence, avec son Père sans commencement et avec leur commun Esprit, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles.

 



28/12/2008
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